Biomimétisme et santé

Le biomimétisme : définition

Le mot biomimétisme vient du grec bíos, le vivant, et mímêsis, imiter. Il ne s’agit pas de copier le vivant à l’identique : reproduire simplement sa forme ou son apparence relève de la bio-inspiration. Le biomimétisme consiste à observer les 3,8 milliards d’années d’évolution du vivant, un processus qui a produit un vaste catalogue d’adaptations efficaces, sobres en énergie et compatibles avec la vie. Comme le rappelait Lavoisier : « Rien ne se perd, rien ne se crée ; tout se transforme ».

Le terme a été popularisé en 1997 par la biologiste Janine Benyus, qui propose de se demander : « Comment le vivant résoudrait-il ce problème ? » En quelques mots, le biomimétisme est une approche qui s’inspire du vivant pour innover de manière durable, en alliant performance, créativité et respect des équilibres naturels.

What if, every time I started to invent something, I asked, 'How would nature solve this?'

'There are literally as many ideas as there are organisms'

Biomimétisme et santé : comment le vivant pourrait transformer l'innovation d'ici 2050

Observer le vivant pour imaginer la santé de demain n’a rien d’un slogan : c’est une démarche scientifique fondée sur des millions d’années d’évolution et sur l’analyse des stratégies adoptées par les organismes pour survivre, s’adapter et prospérer. Depuis plusieurs décennies, le biomimétisme s’affirme comme un cadre d’innovation à part entière, capable d’inspirer des solutions économes, performantes et adaptées aux limites planétaires. Dans un contexte où la santé doit conjuguer efficacité, durabilité et résilience, cette approche offre un levier puissant pour repenser les technologies, les pratiques et les modèles de soins.

Les tendances qui se dessinent déjà annoncent ce que sera la santé des vingt-cinq prochaines années. D’abord, l’essor de matériaux intelligents, toujours plus compatibles avec le vivant et conçus pour interagir finement avec leur environnement : l’impression 4D permet déjà de fabriquer des structures capables de se déformer ou de changer de fonction en réponse à un stimulus, à l’image de nombreux organismes vivants. Ensuite, l’ultra-spécificité des traitements deviendra la norme : microdosages, délivrance ciblée au point d’action, diminution des effets secondaires. Enfin, le numérique s’installera à toutes les étapes du parcours de soin, ouvrant la voie à un suivi global, personnalisé et continu des individus.

Ces orientations ne sont pas anodines : elles reflètent directement les principes mêmes du vivant. Biocompatibilité à toutes les échelles, décentralisation des fonctions, circulation optimale et parcimonieuse de l’information… autant de stratégies éprouvées par l’évolution. Et si le numérique n’a évidemment pas d’équivalent strict dans la nature, il est fascinant de constater que le vivant échange bien plus d’information qu’il ne déplace de matière, là où nos sociétés humaines font très largement l’inverse. Un renversement inspirant, qui confirme une certitude : l’innovation d’ici 2050 sera profondément numérique… mais biomimétique dans sa philosophie.

Les réussites récentes démontrent d’ailleurs la fécondité de cette approche en santé. La piqûre indolore du moustique, due à son rostre microscopique, conique et dentelé, a guidé la conception de seringues miniaturisées pour l’injection d’insuline. Des travaux sur la respiration de vers marins, capables de fixer l’oxygène de façon extraordinaire malgré les variations des marées, ont mené à la création d’Hemarina, entreprise bretonne aujourd’hui pionnière dans la conservation des greffons et la cicatrisation des plaies. Du côté du numérique, Prophesee s’inspire du fonctionnement de la rétine humaine : avec 120 millions de photorécepteurs pour seulement 4 millions de nerfs, la rétine réalise une réduction d’information exceptionnelle, imitant laquelle l’entreprise a mis au point une caméra neuromorphique qui ne capte plus des images… mais uniquement les mouvements.

Observer le vivant pour innover en santé n’est pas nouveau : de nombreux prix Nobel y trouvent leur source, qu’il s’agisse des travaux de Hodgkin et Huxley sur l’influx nerveux des calmars (1963) ou des découvertes d’Eric Kandel sur la mémoire grâce à une limace de mer (2000). Mais le biomimétisme va plus loin : il propose un socle méthodologique normé, permettant un transfert rigoureux des principes du vivant vers des applications concrètes, et introduit une exigence de durabilité garantissant que les solutions d’aujourd’hui ne deviendront pas les problèmes de demain. Cycle de vie, impacts environnementaux, santé globale : l’innovation biomimétique veille à aligner performance technologique et responsabilité écologique.

Comprendre plutôt que copier : l'essence du biomimétisme

Le biomimétisme ne consiste pas à reproduire la forme du vivant, mais à en comprendre les principes fondamentaux : économie d’énergie, résilience, optimisation des flux et adaptation aux contraintes. Cette approche, popularisée par Janine Benyus, invite à se demander comment la nature résout un problème, plutôt que de chercher à la copier à l’identique.

Un écueil fréquent est de croire que les solutions naturelles sont maximales ou parfaites. Or, le vivant est multifonctionnel : chaque structure répond à plusieurs besoins à la fois. Par exemple, les ailes bleu électrique du papillon Morpho assurent la communication visuelle, la régulation thermique, la stabilité en vol et la protection contre bactéries, pluie et UV. Pour créer un pigment bleu biodégradable, il suffit d’identifier la fonction d’intérêt sans reproduire toutes les propriétés associées.

Le vivant n’est pas toujours optimal. Une feuille ne convertit que 2 % de l’énergie solaire, bien loin des 40 % atteints par les panneaux solaires les plus performants. Pourtant, cette faible efficacité suffit à l’arbre, avec des matériaux locaux, à température et pression ambiantes, et de manière totalement biodégradable.

S’inspirer du vivant, c’est donc définir une performance adaptée au contexte, suffisante pour répondre au besoin tout en respectant les limites environnementales. Comprendre plutôt que copier est la clé d’une innovation durable et pertinente.

Une santé unifiée : l'approche One Health

La santé de demain nécessite de définir nos critères de performance, mais aussi de se demander pour quelle santé nous innovons. L’approche One Health apporte une réponse : une seule santé, celle des humains, des animaux, des écosystèmes et de la planète. Le biomimétisme s’inscrit naturellement dans cette vision, en intégrant les interactions entre toutes les formes de vie et leur environnement. Protéger la biodiversité contribue directement à la santé humaine, puisque les écosystèmes et les populations animales influencent notre propre santé. 

La résistance aux antibiotiques illustre parfaitement cette approche. Selon The Lancet (2019) elle pourrait tuer 10 millions de personnes par an d’ici 2050. Les bactéries circulent librement entre organismes et environnements, par contact, ingestion ou eau contaminée. Réduire l’usage d’antibiotiques chez les animaux destinés à la consommation humaine participe donc à la protection des écosystèmes et à la santé humaine.

La prévention en santé humaine suit le même principe : l’hôpital intervient souvent en aval, alors que des leviers existent en amont, comme l’alimentation, la nutrition, l’activité physique ou la lutte contre l’obésité et les pratiques addictives. Dans les Hauts-de-France, l’Agence Régionale de Santé soutient ces initiatives en tenant compte des spécificités du territoire, comme le passif agricole et minier. Le biomimétisme peut inspirer des solutions, par exemple le biocontrôle en agriculture ou la conception de quartiers urbains favorisant la biodiversité et la résilience face aux crises sanitaires et climatiques.

D’ici 2050, innover en santé nécessitera une vision systémique, prenant en compte à la fois la santé des écosystèmes et celle des individus. Pour personnaliser ces solutions à des populations diverses et nombreuses, des outils performants comme l’intelligence artificielle seront essentiels pour concevoir, suivre et optimiser cette santé unifiée

2050 : une coévolution entre technologie, vivant et santé

L’horizon 2050 pourrait se caractériser non pas par une rupture brutale, mais par une coévolution harmonieuse entre outils technologiques, observation du vivant et pratiques médicales. L’intelligence artificielle illustre cette convergence : inspirée du fonctionnement des réseaux de neurones biologiques, elle traite rapidement de grandes quantités d’information, mais reste énergivore. En s’inspirant du cerveau humain, capable d’apprendre efficacement avec peu d’énergie, les futures technologies pourraient devenir plus sobres et performantes. Des innovations comme le stockage de données sur l’ADN ou les architectures neuromorphiques montrent déjà cette voie.

Le biomimétisme peut soutenir cette évolution en proposant des biomatériaux résorbables, des traitements microdosés délivrés uniquement à l’endroit nécessaire, ou de diagnostics beaucoup plus précoces permettant d’éviter l’apparition de nombreuses maladies. L’ensemble de ces approches ouvre la voie à une santé plus préventive, personnalisée et accessible.

Vers une santé holistique et régénérative

La question se pose : « Comment le biomimétisme pourrait-il transformer l’innovation en santé d’ici 2050 ? » La réponse ne réside pas dans un renversement brutal, mais dans un processus de coévolution progressive, à l’image du vivant, qui s’adapte mutation après mutation sur des centaines de millions d’années. Le biomimétisme permet d’aligner les outils techniques, la compréhension du vivant et les pratiques de soin, de manière à ce qu’ils s’influencent mutuellement pour le bien de tous.

La santé de demain sera holistique. Elle englobe le corps, le mental, l’environnement et les écosystèmes. Elle combine des innovations concrètes et personnalisées : réparer l’ADN grâce à la thérapie génique, utiliser des biomatériaux sur mesure capables de se résorber si nécessaire, délivrer des traitements microdosés exactement là où ils sont efficaces, ou détecter les maladies avant qu’elles n’apparaissent. L’objectif est une santé préventive, accessible et efficace, tout en respectant les équilibres naturels.

Au-delà de la personnalisation, la santé de demain sera régénérative. Elle s’inspire du vivant, où la coopération prévaut sur la compétition, et applique ces principes aux soins, à la prévention et à la gestion des écosystèmes. En observant et en imitant ces stratégies naturelles, l’innovation médicale peut devenir durable, pertinente et bénéfique pour l’ensemble du vivant.

Je suis physicienne, avec un doctorat d’optique[1] qui m’a appris à observer le vivant à toutes les échelles, aussi bien dans les laboratoires de recherche du Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN) que dans les boxes cliniques de l’Hôpital d’Ophtalmologie des Quinze-Vingts. Je suis aussi biomiméticienne au sein de la coopérative Ceebios : le Centre d’études et d’expertises en biomimétisme – qui est d’ailleurs né à Senlis, dans les Hauts-de-France ! C’est donc en scientifique et en observatrice du vivant que je vous propose d’explorer avec moi ce que le biomimétisme peut apporter à la santé, aujourd’hui et demain.

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