Appel à projets générique ANR 2025 : 21 projets santé financés en région Hauts-de-France

L’Appel à projets générique 2025 (AAPG 2025), principal dispositif de financement de l’Agence nationale de la recherche (ANR), est ouvert à l’ensemble des communautés scientifiques ainsi qu’aux acteurs publics et privés engagés dans la recherche en France. Il a pour objectif d’offrir aux chercheurs, dans tous les domaines, un accès à des financements complémentaires aux ressources habituelles, sur une large variété de thématiques, qu’elles soient orientées vers des applications concrètes ou plus fondamentales.

Pour répondre à cette ambition, l’AAP mobilise différents instruments de financement : projets de recherche portés par de jeunes chercheurs et chercheuses (JCJC), par une équipe unique (PRME), projets de collaboration nationaux (PRC), internationaux (PRCI), ou encore projets de recherche collaborative incluant un partenaire industriel (PRCE).

En région Hauts-de-France, 21 projets orientés santé ont été retenus cette année, témoignant du dynamisme et de l’excellence de l’écosystème régional. Plusieurs d’entre eux ont été sélectionnés au sein de l’Institut Pasteur de Lille, du Centre Lille Neurosciences & Cognition (LilNCog), de l’Université d’Artois ou encore de l’Université Polytechnique Hauts-de-France (UPHF).

Parmi ces projets, celui porté par le docteur Jean-Charles Lambert retient particulièrement notre attention. Intitulé AD-AP ‘‘Voie d’adhésion et maladie d’Alzheimer : Vers une défaillance synaptique génétiquement dépendante’’, il explore les mécanismes génétiques impliqués dans la maladie d’Alzheimer et pourrait ouvrir la voie à de nouvelles perspectives de recherche. Nous avons rencontré Dr Jean-Charles Lambert, qui nous partage les enjeux et ambitions de ce projet.

Pouvez-vous vous présenter et présenter votre rôle au sein de l’unité RID-AGE (‘‘Facteurs de risques et déterminants moléculaires des maladies liées au vieillissement’’) ?

Je suis directeur de recherche à l’Inserm et je dirige une équipe de recherche, depuis 2006, intitulée ‘‘Recherche des déterminants génétiques moléculaires de la maladie d’Alzheimer et syndromes apparentés’’. Pourquoi « moléculaires » ? Parce que nos travaux portent à la fois sur les facteurs génétiques et sur la compréhension de leur implication dans les mécanismes pathophysiologiques. A partir de janvier 2026, je vais avoir l’honneur de prendre la direction de l’unité RID-AGE.

Vos récentes recherches sur la maladie d’Alzheimer ont marqué l’actualité scientifique. Comment nourrissent-elles ce nouveau projet ?

Ce projet est en réalité le produit d’un long processus scientifique, basé sur le développement d’outils méthodologiques spécifiques à notre équipe. Nous avons progressivement identifié et caractérisé les déterminants génétiques de la maladie d’Alzheimer, et plusieurs d’entre eux se sont révélés impliqués dans la fonction synaptique, plus exactement dans la plasticité synaptique.

A partir de ces observations, nous avons formulé une hypothèse : la maladie d’Alzheimer, serait liée à une dérégulation génétique de la fonction synaptique. Cette hypothèse est intéressante parce qu’elle apporte un nouvel éclairage sur la fonction de l’APP (‘‘Amyloïd Precursor Protein’’).

L’APP est une protéine clé dans le cadre de la maladie d’Alzheimer. Dans certaines formes monogéniques de la pathologie, une mutation dans ce gène entraîne systématiquement la maladie, et donc la causalité est évidente. Le gène APP est de fait très important. L’APP a surtout été associé à la production de peptides amyloïdes, qu’on retrouve agrégés dans les plaques amyloïdes dans le tissu cérébral. C’est ce qu’on appelle l’hypothèse de la cascade amyloïde : une dérégulation du métabolisme de l’AAP conduit à une dérégulation de la production des peptides amyloïdes, induisant une neurotoxicité et, à terme, une mort neuronale.

Pouvez-vous nous présenter en quelques mots le projet AD-AP retenu par l’ANR ?

Nos travaux nous ont conduits à repenser le rôle de l’APP : plutôt que de considérer uniquement la production de peptides amyloïdes (qui est en réalité un marqueur de la modification du métabolisme de l’APP), nous privilégions l’hypothèse d’une dérégulation de la fonction biologique de l’APP (régulée par son métabolisme), en particulier au niveau synaptique.     

L’APP est une protéine transmembranaire qui est une molécule d’adhésion, reliant les compartiments post et pré-synaptiques. Sa fonction peut être influencée par des forces de mécano-transduction, c’est-à-dire des forces physiques exercées sur la molécule APP qui conditionnent à la fois son rôle biologique et la stabilité des synapses. Une dérégulation de ces propriétés pourrait ainsi conduire à une altération de la fonction synaptique.

Le projet AD-AP vise donc à caractériser des mutations non-synonymes associées au risque de développer la Maladie d’Alzheimer dans des gènes codant pour des protéines participant aux voies (patho)physiologiques dépendantes de l’activation de l’APP par des forces de mécano-transduction. C’est une piste que nous explorons depuis déjà 4 à 5 ans au laboratoire et que nous développons désormais dans le cadre de ce financement de l’ANR.

Pourquoi avoir choisi de candidater à l’Appel à projets générique 2025 de l’ANR, et plus particulièrement dans le cadre du dispositif PRME ?

Il s’agit en effet d’une ANR PRME (‘‘Projet de Recherche Mono-Équipe’’), donc c’est une ANR qui est centrée sur l’équipe en elle-même. Contrairement à la majorité des financements de l’ANR, qui soutiennent des projets multi-laboratoires, ce dispositif – mis en place depuis 4 ans – cible spécifiquement des projets portés par une seule équipe. Cela permet donc de concentrer les financements sur un projet dédié, et donc de donner à l’équipe les moyens nécessaires pour mener à bien ses recherches.

Quelles sont les prochaines étapes concernant ce projet ?           

Il s’agit avant tout d’un projet de recherche fondamentale. En génétique, cela signifie caractériser des briques essentielles d’un processus pathophysiologique. Notre objectif est donc de valider notre hypothèse de travail : les modifications des propriétés physiologiques de l’APP, en elles-mêmes, pourraient jouer un rôle clé dans la maladie d’Alzheimer.

Pour cela, nous développons nos modèles à partir de cultures de neurones humains induits (iPSC). Le génome de ces modèles sera édité pour présenter les mutations non-synonymes associées au risque de développer la maladie, permettent une recherche rapidement transposable vers des approches plus translationnelles.

Une fois notre hypothèse validée et des modèles pertinents développés, l’objectif final sera de les utiliser dans des approches de criblage à haut débit afin d’identifier de nouvelles molécules médicamenteuses. L’idée serait, par exemple, de ‘‘gommer’’ l’impact de certaines mutations à risque élevé, ce qui aurait un intérêt pour les patients porteurs, mais aussi plus largement en permettant de cibler les voies pathophysiologiques impactées par ces mutations, ce qui pourrait être d’intérêt pour l’ensemble des patients atteints de la maladie.

Nous avons déjà ouvert cette voie dans un projet précédent sur le gène codant PLCγ2 (‘‘Phospholipase C gamma 2’’) pour lequel le pipeline est opérationnel et en cours d’application. Le projet AD-AP s’inscrit donc dans la continuité de ces avancées.

Ce projet fera-t-il appel à des expertises extérieures à votre équipe, ou à des collaborations particulières ?

Le projet est avant tout porté par notre équipe, composée de près de 30 personnes (dont une douzaine sont directement impliqués dans ce projet), et bénéficie d’un financement significatif. Toutefois, il s’inscrit dans un contexte plus large, nourri par des collaborations et des interactions déjà établies.

Par exemple, la recherche des variants génétiques rares liés à la maladie d’Alzheimer s’appuie sur ma position de coordinateur du consortium européen EADB (‘‘European Alzheimer DNA Biobank’’). Ce consortium, qui inclut un important projet de séquençage en cours, alimente notre projet par les données génétiques que nous gérons au laboratoire.

De plus, bien que notre équipe possède des compétences en biologie des systèmes, en protéomique et en transcriptomique, nous collaborons avec d’autres laboratoires, notamment au Luxembourg, qui développent de nouveaux outils permettant d’exploiter au mieux ces données.

Nous bénéficions également de l’expertise de la plateforme BICeL (BioImaging Center Lille), indispensable pour nos travaux en neurosciences, car il est difficile de progresser sans outils d’imagerie performants.

Toutes ces collaborations et infrastructures permettent à notre équipe de rester crédible au niveau national et international, et de développer des projets multi-technologiques uniques, comme nos modèles d’étude de mécano-transduction.

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